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Léa Marzloff évoque l’évolution des pratiques de mobilité, les nouvelles offres déployées et les fantasmes technologiques qui les entourent.
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Entre fantasmes numériques et transformations des usages, quelle mobilité dessiner pour demain ?

 

Le 1er mars 2018, Léa Marzloff, directrice Veille et analyses stratégiques, présentait aux participants du séminaire « Nomades Urbains et Savoir-faire du cuir au XXI siècle » des Compagnons du Devoir les réflexions de Chronos sur l’évolution des pratiques de mobilité, les nouvelles offres déployées et les fantasmes technologiques qui les entourent.

Cette présentation a été l’occasion de riches échanges avec les participants (étudiants au sein des Compagnons du Devoir, de l’École nationale supérieure de création industrielle ou de l’Institut Français de la Mode) sur la mobilité, entendu ici comme un moyen d’accéder aux ressources du territoire, et à différencier du transport et des déplacements. Les discussions ont été nourries par les données issues de la 2nde vague de l’Observatoire des mobilités émergentes (2016) menée par Chronos et l’ObSoCo.

La multimodalité et l’intermodalité sont en progression avec près de la moitié des Français déclarant avoir le choix de leur mobilité, (+11 points depuis deux ans). Cette tendance s’illustre à travers la progression du Maas, pour « Mobility as a Service », qui promet le passage de la voiture individuelle à un “mix” de services de mobilité fournis à l’usager final à travers une interface unique. Une sorte de “box” de la vie mobile, capable faire coïncider toutes les offres de transports publics et privés avec des besoins de mobilité divers. Le MasN ou "Mobility as Networks" du nom d’une exploration du Lab Ouishare x Chronos, va même plus loin en réfléchissant à l’intégration et l’incarnation de ces offres servicielles de mobilités sur le territoire. La transformation de l’offre se caractérise également par des alliances Habiter + Mobilités inédites, par exemple le partenariat noué entre Uber et un promoteur immobilier, pour lancer une offre de logements incluant des crédits en courses Uber à la seule condition que les locataires renoncent à leur place de stationnement….

En parallèle du développement des mobilités combinées, on assiste à une accélération des innovations, accompagnée de fantasmes autour de la capacité de la technologie à résoudre les problèmes de mobilité. Ceux ci sont régulièrement entretenus par des annonces de projets tels que la capsule volante d’Airbus ou l’Hyperloop, le train à très grande vitesse d’Elon Musk. Or, ces innovations offrent des transports toujours plus rapides… pour une catégorie restreinte d’usagers et ne paraissent pas s’inscrire dans une logique d’apaisement des mobilités. Le véhicule autonome, dont la course au développement est bel et bien lancée, suscite également des fantasmes. Il pourrait cependant s’inscrire dans une logique de mobilité partagée et de MaaS … à condition qu’il soit utilisé comme une navette offrant une alternative aux véhicules personnels.

On voit ici que la mobilité est intrinsèquement liée aux modèles de société, et que les réponses fondées seulement sur des innovations d’infrastructures et de technologies sont peu pertinentes pour résoudre les problèmes de mobilité. Notre modèle productiviste, fondé sur le développement de l’infrastructure est en effet à bout de souffle et s’est révélé incapable de résoudre des problématiques telles que la congestion, les déséquilibres territoriaux ou la pollution. Côté pouvoirs publics, certaines villes décident de "couper le moteur". Barcelone a par exemple mis en place un fonctionnement par superblocks, blocs d’immeubles autour desquelles les voitures peuvent circuler mais qu’elles ne peuvent plus traverser. Objectif : développer les mobilités actives à l’intérieur de ces zones apaisées. Le système de conciergeries de proximité, développé par Bordeaux dans le cadre de son projet de “métropole du quart d’heure” est quant à lui représentatif des efforts de certaines villes pour développer les services de proximité et diminuer les mobilités subies.

En parallèle, avec l’émergence des nouvelles technologies numériques, le secteur de la logistique, du transport et de la livraison d’objets connaît des transformations importantes. Le développement du e-commerce, qui génère chaque année en France des centaines de millions de colis, nécessite de repenser la logistique, notamment pour diminuer son impact environnemental et à l’échelle de villes, pour l’intégrer dans les réseaux de mobilité existants. Les nouveaux acteurs et services apparus sur ce marché réinventent parfois la bagagerie, plus connectée et plus adaptée aux modes de déplacement actifs...

Le dernier enjeu de taille est de garantir un droit à la mobilité pour tous, alors qu’une personne sur trois est aujourd’hui en difficulté (ponctuelle ou durable) de mobilité. Cela passe parfois par des solutions simples mais efficaces, tel que le développement de modes actifs en territoires non-denses. La réhabilitation d’un chemin forestier pour relier les villages de Montjean sur Loire et Pommeray, permet ainsi aux enfants de de se déplacer de manière plus autonome et écologique sans pour autant parier sur de nouvelles infrastructures. Des solutions solidaires peuvent également être mises en place : le réseau ITN America en est un bon exemple qui met en relation conducteurs volontaires et personnes âgées et malvoyantes, utilisant un système de crédit que les volontaires utiliseront à leur tour… quand ils ne seront plus en état de conduire !

 

Retrouvez un extrait de la présentation :

 
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